Ainsi soit-elle, Benoîte Groult, 1975 (1920-2016) Ce qui opprime les femmes, ce n'est pas seulement le système masculin, c'est la réponse féminine, c'est ce qu'il a réussi à faire de nous. C'est ce sentiment d'incompétence et de faiblesse qu'il a réussi à nous donner, doublé de culpabilité si nous nous dérobons au rôle qu'il nous assigne et que nous devons accepter avec enthousiasme. Car là est la malignité, le détail subsidiaire qui, comme dans les concours 5 radiophoniques truqués, vient tout remettre en question: il faut que nous soyons ravies d'être vouées à des fonctions dites sublimes, mais que les hommes se refusent à exercer. Or, les hommes s'étant attribué par définition les fonctions dites supérieures, comment ne pas conclure que les nôtres sont subalternes, << ennuyeuses et faciles » (Valéry), «< inintéressantes et abêtissantes » (Lénine), en un mot inférieures ? Elever un enfant, s'occuper d'un mari, c'est un élan du cœur, ce n'est pas une profession, répondent les chattemites¹. Mais peindre ou soigner ses semblables peut représenter aussi un élan du cœur et pourtant les peintres ou les médecins reçoivent une rémunération pour ce travail, bien qu'il leur plaise. A vrai dire, on adore le bénévolat pour les femmes et c'est pourquoi le métier de mère au foyer est le seul qu'on refuse d'évaluer en termes économiques. Fournissant à la collectivité une contribution considérable en élevant leurs très jeunes enfants, les mères (malgré quelques discours émus et une allocation de salaire unique dérisoire) restent ignorées quand elles travaillent à la maison et pénalisées quand elles travaillent au dehors (frais de garde élevés, insuffisance de crèches). Il faut qu'elles parviennent à échapper à cette dévalorisation de tout ce qui est féminin. Dévalorisation si profondément ressentie et si destructrice que c'est elle qui donne souvent aux «< mères au foyer » ce ton aigri et revendicateur en face des femmes qui travaillent, option supérieure puisque masculine, alors qu'elles devraient pouvoir dire très simplement : « J'ai choisi pour métier d'élever mes enfants car c'est mon gout ou ma vocation à moi. » Et il faut qu'elles s'en persuadent: on n'est pas meilleure femme avec dix-huit enfants qu'un seul ou même pas du tout; on est une autre femme. Et on n'est pas davantage femme en consacrant sa vie à un paralysé de guerre qu'en montant pour gagner sa vie un commerce de prêt à porter ou une boite de nuit. On est une autre femme. Il ne faut pas nous laisser escroquer. Tous les hommes n'ont pas à être des Mermoz ou des Charles de Foucauld². Les femmes non plus. (443 mots)
pouvez vous me faire une contraction de texte 110 mots​

Répondre :

D'autres questions