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Bougainville est parvenu la veille aux abords de Tahiti, dont le peuple l'a reçu avec
confiance et probité; des échanges ont eu lieu durant toute la première journée.
Il décrit ce peuple comme un peuple pacifique et beau.
Le 7 au matin, le chef, dont le nom est Ereti, vint à bord. Il nous apporta un cochon,
des poules et le pistolet qui avait été pris la veille chez lui. Cet acte de justice nous en
donna bonne idée. Cependant nous fîmes dans la matinée toutes nos dispositions pour
descendre à terre nos malades et nos pièces à l'eau, et les y laisser en établissant une garde
pour leur sûreté. Je descendis l'après-midi avec armes et bagages, et nous commençâmes à
dresser le camp sur les bords d'une petite rivière où nous devions faire notre eau. Ereti vit
la troupe sous les armes, et les préparatifs du campement, sans paraître d'abord surpris
ni mécontent. Toutefois, quelques heures après, il vint à moi accompagné de son père et
des principaux du canton qui lui avaient fait des représentations à cet égard, et me fit
entendre que notre séjour à terre leur déplaisait, que nous étions les maîtres d'y venir le
jour tant que nous voudrions, mais qu'il fallait coucher la nuit à bord de nos vaisseaux.
J'insistai sur l'établissement du camp, lui faisant comprendre qu'il nous était nécessaire
pour faire de l'eau, du bois, et rendre plus facile les échanges entre les deux nations. Ils
tinrent alors un second conseil, à l'issue duquel Ereti vint me demander si nous resterions
ici toujours, ou si nous comptions repartir, et dans quel temps. Je lui répondis que nous
mettrions à la voile dans dix-huit jours, en signe duquel nombre je lui donnai dix-huit
petites pierres; sur cela, nouvelle conférence à laquelle on me fit appeler. Un homme
grave, et qui paraissait avoir du poids dans le conseil, voulait réduire à neuf les jours de
notre campement, j'insistai pour le nombre que j'avais demandé, et enfin ils y consentirent.
Louis-Antoine de BOUGAINVILLE, Voyage autour du monde, 1771.
Question d'interprétation littéraire :
Comment la construction du récit permet-elle de caractériser la rencontre entre les
deux peuples?

Dans ce texte de Bougainville, on peut voir comment il décrit les interactions entre son équipage et les Tahitiens de manière très détaillée, ce qui nous aide à comprendre les nuances de leur rencontre. Au début, tout semble se passer en douceur : ils sont bien accueillis, il y a des échanges, et le chef Ereti apporte même des cadeaux. Mais ensuite, quand l'équipage commence à s'installer sur terre pour des raisons pratiques, les Tahitiens montrent leur inquiétude. Ce qui est intéressant, c’est la façon dont Bougainville raconte ces moments – il note les réactions d'Ereti et les discussions qui s'ensuivent.

Ce que Bougainville montre, c’est une sorte de négociation culturelle. D'un côté, il y a les besoins de son équipage qui doivent faire le plein de ressources, et de l’autre, les Tahitiens qui ne sont pas habitués à ce que des étrangers s'installent sur leur terre de cette manière. Le détail des petites pierres pour compter les jours montre comment ils essaient de trouver un terrain d'entente.

En fait, ce récit nous montre la complexité des premiers contacts entre Européens et peuples autochtones. Il y a de la curiosité, de la méfiance, des malentendus, mais aussi des tentatives de compréhension mutuelle. C'est fascinant de voir comment chaque action et chaque discussion contribue à façonner leur relation.