2 L'ironie flaubertienne TEXTE Gustave Flaubert 1821-1880 1. Danseuse indienne. Madame Bovary (1857) Emma est tout à la fois victime de l'ennui qui envahit sa vie avec Charles et de ses ré- veries romantiques, qui ne sont qu'une accumulation de clichés rebattus. Elle est aussi un personnage plus ambigu qu'il n'y paraît, parvenant à être dans le même temps ridicule et tragique par son refus de pactiser avec une réalité nécessairement décevante. Dans l'après-midi, quelquefois, une tête d'homme apparaissait derrière les vitres de la salle, tête hâlée, à favoris noirs, et qui souriait lentement d'un large sourire doux à dents blanches. Une valse aussitôt commençait, et, sur l'orgue. dans un petit salon, des danseurs hauts comme le doigt, femmes en turban srose. Tyroliens en jaquette, singes en habit noir, messieurs en culotte courte. tournaient, tournaient entre les fauteuils, les canapés, les consoles, se répétant dans les morceaux de miroir que raccordait à leurs angles un filet de papier doré. L'homme faisait aller sa manivelle, regardant à droite, à gauche et vers les fenêtres. De temps à autre, tout en lançant contre la borne un long jet de salive o brune, il soulevait du genou son instrument, dont la bretelle dure lui fatiguait l'épaule; et, tantôt dolente et trainarde, ou joyeuse et précipitée, la musique de la boite s'échappait en bourdonnant à travers un rideau de taffetas rose, sous une grille de cuivre en arabesque. C'étaient des airs que l'on jouait ailleurs sur les théâtres, que l'on chantait dans les salons, que l'on dansait le soir sous des is lustres éclairés, échos du monde qui arrivaient jusqu'à Emma. Des sarabandes- à n'en plus finir se déroulaient dans sa tête, et, comme une bayadère' sur les fleurs d'un tapis, sa pensée bondissait avec les notes, se balançait de rêve en rêve. de tristesse en tristesse. Quand l'homme avait reçu l'aumône dans sa casquette, il rabattait une vieille couverture de laine bleue, passait son orgue sur son dos 20 et s'éloignait d'un pas lourd. Elle le regardait partir. Mais c'était surtout aux heures des repas qu'elle n'en pouvait plus, dans cette. petite salle au rez-de-chaussée, avec le poêle qui fumait, la porte qui criait, les murs qui suintaient, les pavés humides; toute l'amertume de l'existence, lui semblait servie sur son assiette, et, à la fumée du bouilli, il montait du fond de 25 son âme comme d'autres bouffées d'affadissement. Charles était long à manger: elle grignotait quelques noisettes, ou bien, appuyée du coude, s'amusait, avec la pointe de son couteau, à faire des raies sur la toile cirée. Gustave Flaubert, Madame Bovary, première partie, chapitre IX.
1.Analysez la valeur de l'imparfait. Quelle image de la vie d'Emma donne-t-elle.?
2. Comment s'organise le va-et-vient entre réalité et rêverie
3. Relevez et commentez dans le premier paragraphe tout ce qui relève d'une imagerie romantique. Quelle lecture le texte invite-t-il à faire des rêves d'Emma?
4) Quel est l'effet produit par le dernier paragraphe ? ​

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