Un combat extraordinaire Yvain a trouvé la fontaine merveilleuse, située dans la forêt de Brocéliande. Mais soudain, arrive, sur son destrier, un chevalier « plus brilant de colère qu'une braise ». Dès qu'ils se furent mutuellement aperçus, les chevaliers se précipitèrent l'un sur l'autre et montrèrent par leurs actes qu'ils se haissaient mortellement tous les deux. Chacun a une lance dure et forte et ils se donnent de si grands coups qu'ils transpercent tous deux leurs écus suspendus à leurs cous, que leurs hauberts se déchirent, que leurs lances se fendent et volent en éclats et que les tronçons (1) sautent en l'air. Ils s'attaquent à l'épée, et, à force de frapper, ils finissent par couper les courroies des écus et par déchiqueter (2) entièrement ces derniers, et par-dessus et par-dessous , si bien que les lambeaux (3) en pendent et qu'ils ne peuvent ni s'en couvrir ni s'en protéger. En effet, ils en ont si bien fait de la dentelle, que c'est en toute liberté que , sur les flancs (4), sur les bras et sur les hanches, ils se frappent de leurs épées étincelantes. Férocement, ils s'affrontent , sans jamais bouger de la même position, pas plus que s'ils étaient deux rochers de grès. Jamais encore deux chevaliers n'avaient été aussi acharnés à hâter leur mort. Ils n'ont aucune envie de gaspiller leurs coups, car ils les assènent (5) du mieux qu'ils peuvent : les heaumes se cabossent (6) et fléchissent, et les mailles des hauberts volent, si bien qu'ils font couler pas mal de sang. Les hauberts sont si échauffés par leurs propres corps, qu'ils ne leur sont guère plus utiles qu'un froc (7) de moine. En plein visage , ils se frappent d'estoc (8), et c'est un prodige (9) qu'une bataille aussi féroce et aussi dure se prolonge tant. Mais tous deux ont un si grand courage, qu'à aucun prix l'un n'abandonnerait à l'autre un seul pied de terrain, s'il ne le blessait à mort. Sur un point précis, ils se comportèrent en hommes parfaitement respectueux des règles. Pas un instant, à aucun endroit, ils ne frappèrent ni ne blessèrent leurs chevaux : ce n'était ni leur intention ni leur façon de faire. Mais continuellement, ils se tinrent à cheval, sans mettre pied à terre une seule fois : ainsi la bataille en fut-elle plus belle. A la fin, monseigneur Yvain fendit en quatre le heaume du chevalier. Sous l'effet du choc, l'autre fut secoué comme par un coup de tonnerre et vidé de sa force: il se trouva paralysé. Jamais il n'avait essuyé (10) un coup aussi terrible: notre héros lui avait fendu la tête jusqu'au cerveau. L'autre en ressentit une si grande douleur qu'il faillit en mourir. S'il s'enfuit, il ne se mit pas dans son tort, car il se sentait blessé à mort; il ne lui servait à rien de se défendre. Se ressaisissant, il s'enfuit aussitôt vers son château. 1. b) Relevez deux groupes nominaux dans le dernier paragraphe qui permettent de le désigner.​

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