*On dira que le despote assure à ses sujets la tranquillité civile. Soit, mais qu'y gagnent-
ils, si les guerres que son
ambition leur attire, si son insatiable avidité, si les vexations de
son
ministère les désolent plus que ne feraient leurs dissensions? Qu'y gagnent-ils, si
cette tranquillité
même est une de leurs misères ? On vit tranquille aussi dans les cachots;
en est-ce assez pour s'y trouver bien? Les Grecs enfermés dans l'antre du Cyclope y
vivaient tranquilles, en attendant que leur tour vint d'être dévorés. Dire qu'un homme se
donne gratuitement
, c'est dire une chose absurde et inconcevable; un tel acte est illégi-
time et nul, par cela seul que celui qui le fait n'est pas dans son bon sens. Dire la même
chose de tout un peuple, c'est supposer un peuple de fous: la folie ne fait pas droit. [...]
Renoncer
à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité,
même à ses devoirs
. Il n'y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce
à
tout. Une telle renonciation est
incompatible avec
la nature de l'homme, et c'est ôter
toute moralité
à ses actions que d'ôter toute liberté à sa volonté. >>
Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, 1762, livre I, chapitre IV, pp. 14-15
Dégage l’intérêt philosophique de ce texte à partir de son étude ordonnée

Répondre :

Réponse:

Introduction

Jean-Jacques Rousseau, dans ce passage de Du contrat social, aborde le thème de la liberté et de la légitimité du pouvoir. Rousseau critique l'idée selon laquelle un despote, en assurant la tranquillité civile, peut justifier la soumission de ses sujets. Il explore les conséquences de la perte de liberté et affirme que la renonciation à cette liberté est incompatible avec la nature humaine. L'intérêt philosophique du texte réside dans sa critique de l'autoritarisme, sa défense de la liberté individuelle, et la mise en lumière de la relation entre liberté et humanité.

Critique de l'autoritarisme

Rousseau commence par une critique des régimes despotiques qui promettent la tranquillité civile en échange de la soumission des sujets. Il remet en question l'idée que cette tranquillité a une véritable valeur si elle est obtenue au prix de guerres, de l'avidité du despote, et des vexations de son administration. La tranquillité offerte par le despote est, selon Rousseau, comparable à celle des prisonniers ou des victimes en attente de leur sort, ce qui montre qu'une telle tranquillité est en réalité une forme de misère.

Citation:

> "On vit tranquille aussi dans les cachots; en est-ce assez pour s'y trouver bien?"

La nature absurde de la soumission volontaire

Rousseau avance ensuite que l'idée de se donner volontairement à un despote est absurde et inconcevable. Une telle action serait illégitime parce qu'elle ne pourrait être accomplie par quelqu'un en pleine possession de ses facultés mentales. Il étend cette idée à l'ensemble d'un peuple, soulignant que supposer qu'un peuple entier puisse volontairement se soumettre équivaut à supposer un peuple de fous.

Citation:

> "Dire qu'un homme se donne gratuitement, c'est dire une chose absurde et inconcevable; [...] Dire la même chose de tout un peuple, c'est supposer un peuple de fous."

La renonciation à la liberté

Rousseau met en lumière la gravité de la renonciation à la liberté. Il affirme que renoncer à sa liberté revient à renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, et à ses devoirs. Il soutient qu'aucune compensation ne peut justifier une telle renonciation, car elle est incompatible avec la nature humaine. La liberté est essentielle à la moralité de nos actions, car sans liberté, la volonté humaine est vide de sens.

Citation:

> "Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs."

Conclusion

Rousseau, par ce texte, défend la liberté individuelle contre toute forme de despotisme. Il démontre que la tranquillité sous un régime autoritaire est illusoire et compare cette situation à celle des prisonniers, illustrant que la vraie liberté ne peut être échangée contre une fausse sécurité. En déclarant la renonciation à la liberté comme illégitime et incompatible avec la nature humaine, Rousseau pose les fondements d'une réflexion sur la dignité humaine et l'importance cruciale de la liberté pour l'épanouissement moral et politique des individus. Cette analyse reste pertinente pour comprendre les débats contemporains sur la liberté, l'autorité et les droits humains.

D'autres questions